Cristiane Kury a découvert l’Europe à l’occasion d’un voyage d’étude en l’an 2000. Son objectif : apprendre les langues et s’ouvrir à de nouvelles cultures. Elle découvre plus particulièrement le Jura lors de sa venue en 2001 comme fille au pair dans une famille de la région.

Le premier soutien de la FICD, en 2012, a été crucial pour aller de l’avant avec notre projet de café. »

Cristiane, pouvez-vous nous évoquer vos débuts professionnels ?

Au Brésil, je travaillais dans une compagnie pétrolière (Petrobras) ; c’était ma plus belle expérience professionnelle. J’étais située dans une base d’exploration et de production de l’or noir au milieu de la forêt amazonienne. C’était une aventure et une expérience incroyables ! Je travaillais comme employée de commerce et je fréquentais l’université. J’avais 20 ans et énormément d’ambition dans mon travail.

Comment a débuté votre parcours migratoire ?

J’avais 21 ans en l’an 2000. J’ai décidé d’étudier les langues. Je suis partie en Italie où j’ai débuté par le niveau A1. Dès le premier jour, j’ai beaucoup aimé l’italien. Quotidiennement et durant six mois, je l’ai étudié avec plaisir.

Ensuite, vous vous attaquez au français…

Quand j’ai fini l’école en Italie, j’étais de plus en plus convaincue par l’idée d’apprendre une autre langue : le français ! Je savais que cette langue est extrêmement complexe et compliquée à apprendre. Une opportunité s’est présentée en 2001. Je suis venue en Suisse comme fille au pair dans une famille jurassienne. Je rencontrais de nombreuses difficultés pour m’exprimer à l’oral comme à l’écrit. J’étudiais à l’Université populaire 3 fois par semaine, et c’était le début d’un grand défi.

Vous avez réussi à persévérer dans cet apprentissage ?

Oui. Pour réussir, je me suis mise en condition afin de relever le défi du changement de culture et trouver des outils pour ne jamais renoncer. C’était très difficile car les Suisses sont très discrets, et en janvier, il a fait très froid. J’ai eu le mal du pays et je voulais rentrer immédiatement chez moi. Ensuite, j’ai rencontré mon mari et connu de nouvelles personnes. Après avoir fini mon travail comme fille au pair, j’ai eu plusieurs jobs en Suisse ; j’ai effectué quelques formations, mais sans diplôme reconnu. Au bout de 4 ans, je me suis mariée et nous avons eu nos enfants.

Par la suite, vous avez repris vos études…

Une fois que mes enfants ont grandi, j’ai recommencé à étudier. Quelques années plus tard, j’ai décroché un master en communication à l’université de Camilo José Cela à Madrid, en Espagne.


Les projets soutenus par la FICD



Comment est née cette idée de créer une association ?

Avec mon mari, chaque année, nous nous rendons au Brésil avec des valises géantes. Nous apportons des vêtements, des jouets, etc. Nous les distribuons dans une région… disons un peu oubliée par l’État.

En 2004, un jour d’été, j’ai réfléchi. J’ai porté un regard différent sur mes compatriotes. Cela ne suffisait pas d’amener des vêtements et des jouets, il fallait faire quelque chose de grand pour changer la région. Je me suis dit qu’il ne fallait pas se contenter de donner des poissons, mais également la canne à pêche !

Est-ce que cela a été compliqué de mettre en œuvre ce projet ?

Nous avons rassemblé les personnes du village de Silves pour leur parler du projet. A vrai dire, il n’y avait pas de projet, simplement une idée. C’est à ce moment que ASA (Association Solidarité Amazonie), notre partenaire, est née. Malgré la pluie de ce jour d’autonome 2004, les personnes étaient curieuses de savoir de quoi il s’agissait.

En rentrant en Suisse, le plus difficile a été d’aborder les personnes pour faire partie du comité. Alors, nous sommes allés chercher les amis à qui nous avons pu en parler. Nous avons convaincu la cousine de Raphaël, mon mari, et quelques amis. Fin octobre 2004, FUSAM est née..

Le projet ne s’est pas mis en route tout de suite…

Nous ne savions pas quel projet nous allions mener pour aider la région de Silves en Amazonie. Alors, nous avons commencé à travailler en Suisse en débutant la récolte de fonds et par des actions pour nous faire connaître. Nous avons commencé avec des ventes de pâtisseries devant la Coop à Bassecourt ; nous avons également participé au Tropicana Beach Contest. Mais notre plus grand projet était l’organisation du loto à Glovelier. Il avait lieu chaque année, le 2 janvier. C’est cette manifestation qui nous a permis de proposer à ASA des projets plus concrets.

Et justement, quels sont ces projets ?

Le projet de café est né en 2008 et la bataille aussi. Sur place, les responsables de l’ASA ont eu l’audace de contacter le plus grand département de recherche en agriculture du Brésil, Embrapa. Avec obstination et à la suite de nombreuses relances, l’institut a accepté d’effectuer un test, puis de débuter un processus de partenariat. C’était incroyable mais nous n’avions pas les ressources nécessaires pour pérenniser ce partenariat. Alors, nous avons décidé de maintenir le loto à Govelier chaque année pour financer le projet.

L’adhésion à la FICD a-t-elle marquée un tournant dans la mise en place de votre projet ?

Le premier soutien de la FICD, en 2012, a été crucial pour aller de l’avant avec notre projet de café. Nous avons envoyé un formateur d’adultes et agronome sur place. Sa mission était de réorienter les objectifs de l’ASA. C’est grâce à ce partenariat que nous avons vu le bout du tunnel.

Au fil du temps, ce projet a pris de l’ampleur et a eu un énorme impact dans la région. Nous avons des personnes qui travaillent quotidiennement sur le terrain et certains agriculteurs ont changé carrément de domaine, car la principale culture de la région était le manioc, à laquelle s’ajoutent des activités liées à la pêche. Maintenant il y a la culture de café, ainsi que l’entreprise de torréfaction pour racheter la production. 

Avec le recul, comment jugez-vous votre parcours ?

Personnellement, partir de mon pays m’a donné la possibilité d’avoir un autre regard, celui de l’extérieur. J’ai pu mieux comprendre et comparer les différences de mentalités existantes entre un pays super développé et un autre en plein développement ! 

Ce qui est sûr, c’est que nous n’arrêtons jamais d’apprendre. Parfois le chemin est difficile, mais la route est longue


Bruce Rennes ● Chargé de projets