Abdel Zalagh, président de l’association CormoAtlas, arrivé en Suisse en 1989 pour un concours de laborantin à Neuchâtel, n’en est jamais reparti. Plus jeune, il s’imaginait vivre en Suède, pays qu’il a visité et fortement apprécié. Finalement, c’est dans le Jura bernois qu’il a construit sa vie. Et depuis Cormoret, il soutient sa région d’origine, Khénifra, une province montagneuse du Moyen-Atlas, au Maroc.

À l’avenir, j’aimerais me concentrer sur des activités éducatives»

J’étais arrivé en Suisse pour passer le concours de laborantin à Neuchâtel » déclare Abdel Zalagh. Au programme, trois jours d’examens. Malheureusement, à l’issue du concours il n’est pas retenu. Il en déduit avoir peut-être été victime des contingents qui limitent le nombre de permis accordés. Cependant, malgré cet échec, en 1989, le jeune Marocain, ancien étudiant en biologie-géologie, décide de rester en Suisse et de chercher du travail. « J’ai essayé de faire reconnaître, sans succès, l’équivalence de mes diplômes afin de poursuivre mes études en Suisse ».

Accueilli par une connaissance à Tramelan, Abdel Zalagh se retrouve dans une situation financière difficile, avec parfois moins de 20 centimes en poche. Pour subvenir à ses besoins, il effectue divers boulots, travaillant 7 jours sur 7 comme gardien d’une exposition, dans une ancienne usine horlogère rénovée du village, cuisinier et même jardinier. Il ajoute : « J’ai passé deux mois et demi à aménager le jardin de ma patronne et j’allais ensuite donner un coup de main au restaurant ». Finalement, grâce à une formation d’animateur nature, il réussit à décrocher un travail sur appel à l’Office du tourisme du Jura bernois et au Passeport Vacances.

Sans passer inaperçue, sa présence n’a jamais suscité d’interrogation. Cependant, un jour, il est contrôlé par les policiers.  Lors de ce contrôle, la police découvre qu’il a un permis de séjour mais pas de permis de travail. Il sera alors conduit, ainsi que son employeur, devant les tribunaux. À la suite de cet incident, Abdel Zalagh va régulariser sa situation administrative. Cette régularisation va lui permettre d’enchaîner différents emplois pour subvenir à ses besoins.




Les débuts dans la coopération

En 1992, Abdel Zalagh tente de passer le concours pour entrer à l’école d’infirmier en psychiatrie. De nouveau, il est confronté à un problème de permis - il possédait un B au lieu du permis C (le sésame) – qui l’empêche d’obtenir une place. Cinq ans plus tard, en 1997, il est naturalisé. Persévérant, il repasse l’examen et intègre enfin l’école d’infirmier dont il sortira diplômé 4 ans plus tard. Après différentes expériences dans les soins à domicile, il travaillera une dizaine d’années à la clinique de Bellelay avant de devenir, en 2015, directeur d’un foyer de jour à Sonceboz.

Abdel Zalagh s’est marié au début des années 2000. « Avec mon épouse, nous voyagions régulièrement au Maroc avec un véhicule chargé de matériel scolaire, de médicaments et même de chaises roulantes », se rappelle-t-il. Pour surmonter les problèmes de dédouanement, le duo s’organise et un comité se met en place pour fonder, en 2009, CormoAtlas. Au début, l’association transportait le matériel en bus grâce à différents soutiens locaux. Les bus seront remplacés plus tard par des containers de 12 à 14 tonnes. « Il faut rappeler l’extraordinaire travail de M. Jean Vaucher pour organiser le rangement du matériel récupéré dans les containers. Sans lui, environ un tiers du matériel aurait été abandonné », plaisante-t-il.

L’internat de Bouchbel

Tout ce travail de logistique met CormoAtlas en contact avec une association locale, Tighza Atlas de Développement. Son rôle est précieux car elle va aider les Suisses dans les formalités douanières. Ces prémices de collaboration déboucheront sur un partenariat beaucoup plus ambitieux : la construction d’un internat à Bouchbel afin de faciliter la scolarisation des élèves les plus éloignés de l’école centrale du village. La première phase de ce projet, soutenue par la FICD, a été inaugurée en 2015. 128 élèves, filles et garçons confondus, bénéficient de cette infrastructure. De plus, une quarantaine d’enfants supplémentaires sont accueillis à la cantine de l’internat.

En mars 2023, la seconde phase du projet, toujours financée par la FICD grâce à des contributions issues du canton de Berne et de la Confédération, a été achevée. Elle va permettre d’accueillir 128 jeunes supplémentaires à la rentrée de septembre 2024. « Maintenant que le projet de construction est terminé, j’aimerais à l’avenir me concentrer sur des activités éducatives, telles que la sensibilisation à l’environnement et la mise en place d’ateliers professionnels », indique Abdel Zalagh.  Il souligne également  que « le potentiel de l’énergie solaire est énorme et pourrait être exploité pour des projets avec des panneaux thermiques. »

Avant de s’établir en territoire helvétique, Abdel Zalagh a visité différents pays d’Europe du Nord. « J’ai rêvé de vivre en Suède, mais c’est finalement le concours de laborantin qui m’a amené à poser, un peu par hasard, mes valises en Suisse. » Des circonstances de vie qui ont débouché sur un immense travail de coopération et de développement. Toutefois, l’homme est modeste. S’il considère son parcours comme chanceux et qu’il explique « ne pas aimer utiliser le mot fierté », il se dit en revanche « satisfait du travail effectué », tout en relevant que cela n’aurait pas été possible sans le « soutien d’une équipe soudée qui a permis à tous ces jeunes d’aller à l’école. »   cormoatlas.ch


Bruce Rennes ● Chargé de projets