Le jeudi 4 mai, la Fédération interjurassienne de coopération et de développement et l’unité culturelle du CIP ont organisé, à Tramelan, une table ronde basée sur le livre « Migration - Voix de femmes ». Animée par Nicole von Kaenel de l’association Belle Pages, autrice de l’ouvrage, les échanges ont porté sur le parcours de trois invitées : Anya, Maguy et Sayanthini.

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Programme : 

  • Jeudi 4 mai 2023, CIP Tramelan, 19h30. Table ronde : Migration - Voix de femmes.
  • Jeudi 4 mai 2023, CIP Tramelan, 20h30. Vernissage de l'exposition Migration - Voix de femmes. L'exposition sera visible du 1er au 26 mai 2023.
  • Dimanche 14 mai 2023. Célébrons les mamans à l'occasion de CIP-Solidaire.

Elles s’appellent Anna, Maguy, Laura, Yllka, Zamila, Maryam, Helena, Sayanthini, Zaira, Thérèse. Elles sont nées à Prague, Ferrandina, Caracas, Kaboul, Bukeye-Nyambo, Priština, Jaffna. Elles ont quitté leur pays pour fuir la pauvreté, les persécutions, la guerre, la violence. Sarah Carp, lauréate du Swiss Press Photo Award 2022, les a immortalisées et Nicole von Kaenel a retracé leurs parcours dans un livre passionnant intitulé Migration - Voix de femmes.

À l’occasion de la table ronde organisée par la FICD, en partenariat avec l’unité culturelle du CIP et l’association Belles Pages, deux des dix femmes du livre et de l’exposition ont effectué le déplacement à Tramelan pour raconter leurs parcours respectifs. Sayanthini du Sri Lanka et Maguy d’Italie ont répondu aux questions de Nicole von Kaenel, qui animait la discussion.

Née en 1961 à Lausanne, Maguy est revenue sur son parcours, une trajectoire compliquée pour cette italienne de deuxième génération, dont la famille est originaire du sud de l’Italie, qui a travaillé dès ses 13 ans pour gagner de l’argent de poche. A travers son témoignage, Maguy rend hommage à sa mère Anna, « une travailleuse impliquée » dont la vie était difficile. Elle la résume ainsi : « Anna s’est battue pour sa liberté. Moi, je me suis forgé une indépendance et ma fille Laura peut ainsi en profiter pour faire ce qu’elle aime. » C’est que, pour la pétillante italienne, qui a su gagner cette liberté à la force d’un parcours scolaire abouti, il n’allait pas de soi de se lancer dans les études puisque son père estimait « qu’elle finirait à l’usine. » Bien loin de cette idée limitante, Maguy la battante a suivi plusieurs formations professionnelles et s’est impliquée dans le comité Egalité des chances de la banque cantonale vaudoise, où elle travaillait, avant de s’expatrier au Danemark avec son mari. « Je devenais également une migrante », plaisante-t-elle.

Mon mari, cet inconnu

Comme pour beaucoup de ses compatriotes, le mariage de Sayanthini a été arrangé. Par chance, le mari « est beau garçon ». Sans se départir de son sourire, la Sri lankaise, née en 1977, revient sur les péripéties liées à son arrivée en Suisse, à 20 ans, pour rejoindre un mari qu’elle ne connaît pas. « En arrivant à l’aéroport Charles de Gaulle, le passeur m’avait donné l’instruction de me débarrasser de mes papiers. » Contrôlée par la police française, sans possibilité de s’expliquer puisqu’elle ne parle pas la langue et qu’elle ne bénéficie pas de l’aide d’un traducteur, elle est envoyée en prison. Un avion la ramène à Colombo, capitale économique du Sri Lanka. Au total, Sayanthini déboursera beaucoup d’argent et mettra deux ans avant de pouvoir rejoindre enfin son époux.

La troisième invitée, Anya, apportait une « touche locale » à cette soirée, puisque cette dynamique ukrainienne est installée à Tramelan. Elle a témoigné de son incroyable parcours qui l’a vue naître à la frontière chinoise, le long du fleuve Amour, et de son départ, alors qu’elle était âgée d’à peine cinq ans, pour Odessa. Le récit d’Anya diverge quelque peu des précédents. Elle aime à raconter qu’elle est née (en 1987) dans une pharmacie et que cela a certainement  un lien fort avec sa profession actuelle d’infirmière.

Le conflit russo-ukrainien s’invite

La venue en Suisse d’Anya n’est pas la conséquence d’un pan de vie bousculé par le chaos dont les hommes sont capables. C’est une image qui l’attire : une photo du pont de l’Areuse qui lui sert de fond d’écran. En 2016, alors installée en Belgique avec son mari originaire du pays, ils décident de tenter leur chance en Suisse et arrivent à la Chaux-de-Fonds. Ils y restent trois ans, avant de déménager à Tramelan. Bien évidemment, l’actualité du conflit russo-ukrainien s’immisce dans le récit de la jeune femme dont le père est Russe et la mère Ukrainienne. Anya raconte avec beaucoup d’émotion l’attaque d’Odessa, le manque de nouvelles et la manière dont elle parviendra à exfiltrer sa mère, sa sœur et ses neveux vers la Suisse.

Au cours de cette soirée, le public a écouté les récits de trois femmes souriantes dont la diversité des  parcours se rejoignent pourtant autour d’une idée forte : celle d’une volonté de s’affranchir des obstacles à l’intégration en Suisse, tels que les différences culturelles, la complexité de la législation ou la barrière de la langue. Dans un français maîtrisé, Maguy, Sanyanthini et Anya ont livré trois histoires poignantes, mais également enthousiasmantes et positives, où la résilience et la force de caractère de ces femmes étaient les maîtres mots.

À l’issu de la table ronde, les participantes et les convives ont encore pu échanger et dialoguer à l’occasion du vernissage de l’exposition. Toutes et tous se sont retrouvé·e·s autour d’un buffet interculturel (offrant des spécialités de Syrie, du Burundi, du Congo et d'Afghanistan) préparé par des femmes du centre d’accueil de Tramelan qui, elles aussi, aspirent à trouver asile et perspectives d’avenir en Suisse.


Bruce Rennes ● Chargé de projets FICD