TRIBUNE par Pierre-André Comte, Député de Vellerat


À travers son « Plan Equilibre 22-26 », le Gouvernement veut mettre fin à l’aide cantonale au développement. En supprimant sa subvention annuelle à la Fédération interjurassienne de coopération et de développement (FICD) et en « diminuant » sa délégation administrative en charge du dossier, l’Etat veut se débarrasser de la politique de coopération mise en œuvre dès son entrée en 1979.


Ce désengagement est préjudiciable à l’image du Jura. L’Etat jurassien n’est pas un état comme les autres. Ou ne devrait pas l’être. A l’origine, nous voulions qu’il se distingue par sa générosité et son goût de la fraternité entre les peuples. Il s’est appliqué à relever le défi assez fidèlement jusqu’ici. Dès son entrée dans l’Alliance fédérale, la Suisse officielle l’a sermonné parce qu’il prenait ses aises en matière de coopération internationale, s’affirmait et illustrait les valeurs fondamentales sur lesquelles il avait conçu son accession à l’indépendance. La presse bien-pensante se moquait de lui, la presse sérieuse saluait l’originalité d’un canton désireux de jouir pleinement de sa souveraineté. Les gens intelligents applaudissaient, les imbéciles persiflaient. Nos ministres de la coopération occupaient une place de choix au sein des institutions internationales. L’un d’eux acquit le prestige personnel que l’universalité de son propos garantissait.

Il fut une époque où nous étions une exception par notre implication dans la coopération internationale et l’aide au développement. Puis, sous les coups de boutoir de ses opposants, cette politique a vu ses budgets diminuer drastiquement. Aujourd’hui, le Gouvernement veut achever la victime. Il souhaite renoncer à l’image qui collait à la peau du Jura, celle d’un canton qui se distingue des autres; le contraire d’un canton qui rentre dans le rang et s’efface devant un soi-disant pragmatisme plus castrateur qu’émancipateur.

Le Gouvernement actuel sera-t-il celui d’une transition de l’exceptionnel à l’insignifiance, cela pour cause d’économies de bouts de chandelle ? C’est à lui d’en décider, mais aussi au Parlement d’en disposer. Rappelons-nous ces paroles d’Edmond Kaiser, publiées jadis dans le Quotidien jurassien : « Il y a un peuple jurassien solidaire par nature. Je pensais un jour qu’on pourrait constituer une armée jurassienne au secours des êtres ! » Nous montrerons-nous dignes de cet hommage en sacrifiant notre aide au développement sur l’autel d’une économie dérisoire ? Souvent, les membres du Gouvernement et du Parlement affirme être attachés, comme la majorité des gens, au rayonnement du Jura à travers la générosité de son action étatique. Le canton du Jura peut toujours donner l’exemple. Il possède un Etat dont la Constitution exige qu’il soit engagé aux côtés des peuples, dans la solidarité et la fraternité. Veillons à ce qu’il le reste et ne sombre pas dans une profonde erreur de jugement.


Pierre-André Comte ● Député de Vellerat, le 12 octobre 2022