Le site d’Antenina, dans la région du Vakinankaratra, figure parmi les rares vestiges forestiers du centre de Madagascar. La forêt primaire qui comporte encore une diversité faunistique et floristique intéressante subit une pression de plus en plus forte due essentiellement à la population locale qui cultive encore sur brûlis.

Membre FICD


Fondation Avenir Madagascar

Fondée à Porrentruy, en 2002, la FONDATION AVENIR MADAGASCAR s’est donné pour tâche principale d’apporter une aide financière, logistique et matérielle à diverses institutions malgaches à Antsirabe : l’ESSVA, une HES des Hauts Plateaux ; Radio Haja, une radio de proximité en langue malgache ; la prison de la ville. www.avenir-madagascar.ch


Après plusieurs contacts, rencontres et échanges de courriels, les promoteurs, représentés par le Groupe français Eiffage, ont reconnu la légitimité de la FAM à représenter la population d’Antenina. »

Depuis plus de dix ans, la Fondation Avenir Madagascar (FAM) aide à la protection de la forêt primaire, à la reforestation, à la diversification de la production agricole et piscicole et à la formation des paysans. En outre, elle a financé la construction de la seule école secondaire de la région. La FAM est la seule ONG à intervenir dans cette vallée excentrée, uniquement accessible à pied. En effet, un ingénieur agronome intervient, au nom de la FAM, auprès des paysans dans la formation des pépiniéristes, la formation en agriculture de base (compostage, techniques culturales, gestion du sol, élevage, etc.), la reforestation avec des essences locales, mais aussi la diversification agricole.

Depuis quelques années, la rumeur de la construction d’un barrage hydroélectrique se répandait dans la vallée et faisait grandir l’inquiétude chez les habitants. En 2016, la rumeur devenait projet concret : un barrage devant permettre l’alimentation électrique de la capitale Antananarive et d’une grande partie des Hautes Terres sera construit en contre-bas de la vallée d’Antenina, sur l’Onive. La retenue d’eau submergera une grande partie de cette vallée et ses habitants devront la quitter ou, pour le moins, se reconvertir professionnellement.

Les conséquences pour les habitants d’Antenina seront, comme on peut l’imaginer, majeures et la population a rapidement fait appel à la FAM pour l’aider à collecter toutes les informations nécessaires et pour s’opposer au barrage.

La FAM, forte de son ancrage helvétique et de sa connaissance de Madagascar, ne pouvait pas sans autre s’opposer à cette importante réalisation vitale pour le développement d’une grande partie de la Grande Île. En effet, actuellement, la fourniture en électricité, très chère, est garantie par des générateurs à mazout très polluants et régulièrement en panne. Les délestages sont donc réguliers, voire journaliers, dans les grandes villes et les villages qui en bénéficient. De plus, l’augmentation constante du prix du mazout plonge les malgaches dans une précarité plus grande encore.

Un choix complexe

Dès lors, la FAM se trouvait confrontée à un choix difficile. Faut-il défendre la population locale qui verra son histoire, ses coutumes et sa vie quotidienne bouleversés par l’impact direct de la retenue d’eau ? protéger les réalisations et le travail financés par la FAM depuis plus de dix ans, et, donc, s’opposer à la construction du barrage par tous les moyens existants ? Ou, autre alternative, peser les avantages concrets importants apportés aux plus de 2 millions de foyers, à savoir une diminution importante du prix de l’électricité, l’assurance d’une alimentation constante, l’élimination de la pollution par la fumée des hydrocarbures utilisés, l’accessibilité de l’électricité à une population rurale oubliée, etc. Cette dernière option reviendrait à accepter la construction de la nouvelle centrale hydroélectrique, la première de cette taille dans le pays.

Pour la FAM, l’accès pour un grand nombre à l’énergie électrique bon marché ne faisait pas de doute, en plus des autres avantages promis par les promoteurs et les politiques. Le développement de la Suisse n’est-il pas dû, en grande partie, à ses barrages dans les alpes et l’électrification généralisée qui a suivi ?

Cependant, la population locale ne pouvait être négligée et dès les premières informations sûres recueillies, la FAM s’est approchée du groupe des promoteurs pour obtenir certaines garanties au nom des habitants de la vallée d’Antenina. Après plusieurs contacts, rencontres et échanges de courriels, les promoteurs, représentés par le Groupe français Eiffage, ont reconnu la légitimité de la FAM à représenter la population d’Antenina et la légitimité de cette même population à être justement indemnisée lors de sa relocalisation. Une somme importante est d’ailleurs prévue pour cela dans le plan de financement de l’ouvrage.

Plusieurs rencontres avec les populations locales

Pour la FAM, il restait à convaincre les habitants d’accepter ce marché et de définir leurs besoins dans un nouveau village. Plusieurs rencontres ont eu lieu entre la population et la FAM. Ainsi, une première séance a rassemblé plus de cent personnes dans l’école secondaire en octobre 2017. Elle a été très constructive mais, face au questionnement des habitants, il n’a pas été possible de lever toutes les interrogations et les craintes. Certes, il n’est pas évident de s’imaginer quitter l’endroit qui vous a vu naître et qui vous a nourri depuis des générations. En outre, le résultat concret de cette première rencontre a été la constitution d’un groupe de citoyens pour la défense des intérêts de tous les habitants.

Plusieurs autres rencontres ont eu lieu par la suite entre notre représentant sur place et le groupe de citoyens représentant la population. De notre côté, un contact permanent et un suivi du dossier ont été menés avec le représentant des promoteurs. Ainsi, une nouvelle mission sur place, menée par un groupe de professionnels emmené par Jean-Claude Verdon, urbaniste et vice-président de la FAM, a eu lieu en juin dernier. Cette mission a permis des échanges approfondis dans une approche participative avec la population locale. Une rencontre séparée, entre hommes et femmes a pu avoir lieu et chacun a pu exprimer ses besoins profonds et ses désirs légitimes.

Une mise en route en 2023

Actuellement, la réalisation est en route, la mise en eau est prévue pour 2023 et la relocalisation de la population est en étude. Les contacts sont permanents avec les promoteurs et la population fait toujours confiance à la FAM dans son engagement à la défendre. Toutefois, le dossier que la FAM a pris en main au nom des habitants qu’elle s’est engagée à représenter est loin d’être simple En effet, on a fait le choix de prendre en compte les intérêts environnementaux de Madagascar, le mieux-être de plus de 2 millions de foyers malgaches, la fourniture continue en électricité meilleure marché, sans oublier la population locale qui nous fait confiance. Pour ces raisons, nous avons pris le parti de collaborer avec les promoteurs pour la relocalisation de la population, sans faire la moindre concession sur la qualité attendue par les habitants de la vallée pour leur nouvel espace de vie, tant au plan de l’organisation sociale que de l’agriculture.

L’avenir nous dira si nous avons fait le bon choix.


Pierre Petignat, président ● fondation avenir madagascar