Les 4 et 31 mars derniers, les membres de la Fédération interjurassienne de coopération et de développement ont eu l’occasion de participer, par visioconférence, à un atelier consacré à la Prévention des comportements sexuels répréhensibles (PCSR). Animées par Oifa Bouriachi, ces deux soirées ont permis d’aborder des thèmes sensibles auxquels tout le monde peut être confronté, dans le cadre de la gestion d’un projet de coopération au développement notamment.

Définition de la des comportements sexuels répréhensibles (PCSR)

La prévention des comportements sexuels répréhensibles est une stratégie de lutte contre les comportements sexuels répréhensibles dans le cadre professionnel, mise en place au niveau du FEDERESO* aussi bien à l’échelle interne des fédérations qu’au sein de leurs organisations-membres. Sont compris dans la notion de « comportements sexuels répréhensibles » le harcèlement sexuel, l’exploitation et les abus sexuels, soit tout comportement à connotation sexuelle

  • qui cause un préjudice ou une souffrance de nature physique, psychologique ou sexuelle ;
  • qui porte atteinte à la dignité des collaboratrices ou des collaborateurs, des bénéficiaires ou des membres des communautés des pays dans lesquels les organisations-membres mettent en œuvre leurs projets ;
  • qui crée un environnement de travail hostile.
* Le FEDERESO est la plateforme de collaboration des 7 fédérations cantonales latines de coopération au développement. En tant qu’organisations faîtières, ces dernières regroupent plus de 250 fondations et associations membres qui mettent en œuvre des projets de développement dans les pays du Sud et de l’Est.

La technologie s’est montrée particulièrement efficace en ces temps de pandémie. L’excellente maîtrise de l’outil informatique par l’intervenante a permis aux participant·e·s d’oublier que ces soirées se déroulaient en ligne. L’alternance entre session en plénière et travaux de groupes n’a rien eu à envier aux rendez-vous présentiels habituellement proposés. Cerise sur le gâteau, plusieurs partenaires du Sud (du Maroc et du Cameroun) ont participé activement à ces ateliers.

La thématique de la prévention des comportements sexuels répréhensibles (PCSR) est un des éléments compris dans le contrat de contribution de programme 2021-2022 de la Direction du développement et de la coopération (DDC) avec la FICD. Elle est en outre clairement mentionnée dans les contrats de financement de projets de coopération au développement signés entre la FICD et ses organisations-membres (OM). Par la signature de ce contrat, l’OM s’engage notamment à participer aux ateliers de formation mis en place par la FICD et le FEDERESO et à prendre toutes les mesures utiles pour prévenir ces comportements. Le Code de conduite pour les partenaires contractuels du Département fédéral des affaires étrangères (DFAE) fait partie intégrante des deux contrats précités.

Pour en revenir aux soirées proprement dites, elles étaient organisées en trois temps forts : une première partie consacrée au cadre légal et aux normes (législation suisse et des pays d’intervention, normes internationales reconnues, code de conduite interne à une organisation) ainsi qu’à la définition et à la distinction entre le harcèlement, l’exploitation et l’abus sexuel. Ces éléments ont été complétés par des statistiques inquiétantes : en Suisse, 30 % des femmes et 10 % des hommes ont été victimes de harcèlement sexuel au travail, par exemple.

Et dans le milieu de la coopération, pas moins de 39 % de collaborateurs·trices des Nations Unies ont été victimes d’un harcèlement de cette nature. Au-delà des statistiques, Oifia Bouriachi est revenue sur les raisons et les conditions qui mènent à ces formes de violence : la position de pouvoir des employé·e·s des organisations du Nord ou des collaborateurs·trices nationaux est notamment ciblée. Cette relation de subordination implique par exemple qu’un·e bénéficiaire pourrait avoir du mal à dire « non » à une sollicitation de la part d’un·e supérieur·e, en raison de sa peur de compromettre l’aide dont bénéficie sa famille.

Les obstacles à la dénonciation

En seconde partie, sous forme de groupes de travail de 3 à 4 personnes, les participant·e·s ont eu à réfléchir sur des cas concrets, avec pour objectif d’identifier les types de comportements répréhensibles et les conséquences pour chacune des parties concernées : auteur, victime(s), communauté locale, ONG ou la coopération internationale (voir exemple ci-dessous).

En dernière partie de soirée, Oifia Bouriachi a complété sa présentation en donnant plusieurs exemples d’obstacles à la dénonciation des comportements sexuels répréhensibles : citons notamment la peur des victimes quant aux conséquences sur leur avenir, leur méconnaissance de leurs droits ou des systèmes de signalement, ou la forte pression culturelle ou religieuse exercée sur elles.

Du papier à la réalité

Les comportements sexuels répréhensibles constituent une problématique certes sensible et complexe, mais également cruciale pour toute entité œuvrant dans la coopération internationale. Ainsi, mettre en œuvre un système de PCRS est une démarche dont nulle association ne doit faire l’économie. Il en va de sa crédibilité d’organisation régie par des valeurs saines et d’employeur responsable.

La FICD encourage ses organisations-membres à appliquer ces mêmes mesures de prévention dans leurs relations avec leurs partenaires. Au-delà des belles promesses écrites sur le papier, il convient évidemment de contrôler que ces systèmes soient bel et bien mis en place et respectés, au Nord comme au Sud, afin d’éradiquer le plus vite possible ce fléau. Par ailleurs, on peut regretter que cette thématique ne soit pas davantage mise en évidence dans l’Agenda 2030 et ses 17 Objectifs de développement durable. Les comportements sexuels répréhensibles peuvent avoir des conséquences néfastes sur les ONG, en ruinant la confiance qui leur est accordée par les bailleurs de fonds, notamment, mais bien davantage et surtout sur la vie des victimes, encore trop souvent peu écoutées, ainsi que sur leur entourage. Et ce, en Suisse comme ailleurs. Il est temps de changer cela !


Bruce RENNES ● FICD