Le parcours migratoire de Kasongo Mutombo débute à Louvain, en Belgique, à la fin des années 70. Une rencontre amène ce natif de la République démocratique du Congo à soutenir des projets en Guinée Conakry, avant de mener à nouveau des actions de coopération sur sa terre d’origine. Une manière de boucler la boucle, puisqu’il y a ouvert un dispensaire au milieu des années 80.

J’ai découvert ma solidarité en venant, ici, en Europe »

Étudiant en santé publique à l’université de Louvain, en Belgique, Kasongo Mutombo y poursuit un cursus dans le domaine de la santé, entamé déjà en République démocratique du Congo (RDC). « Chez moi, j’étais déjà infirmier diplômé. L’inscription en Belgique a été facilitée par un visa qui était accessible. Toutefois je suis venu sans bénéficier d’une bourse. »

Il effectue sa rencontre avec la Suisse pendant des vacances, durant lesquelles il visite des amis et surtout travaille pour payer ses études. « En travaillant deux mois en Suisse, j’avais le financement pour payer mon loyer en Belgique. Puis, pour le quotidien, je me débrouillais avec de petits jobs », détaille-t-il. En 1982, Kasongo se marie et s’installe en Suisse. À ses débuts, il trouve surtout des emplois dans le domaine de la construction, avant d’être embauché dans un home, où il restera cinq ans. Puis son épouse et lui prennent la décision de retourner en Afrique, dans son village natal.

Un dispensaire en RDC

« On est partis avec notre petite fille. Notre idée était de s’installer à l’écart du village, dans une zone sans eau ni électricité, avec pour objectif de vivre de l’élevage et de l’agriculture. » Toutefois, son passé d’infirmier ne passe pas inaperçu. « Tout le village était au courant. » Fort de son expérience européenne, mais également d’un passé au sein de l’hôpital de Kinshasa, la capitale de la RDC, Kasongo est sollicité régulièrement, malgré la présence d’un autre infirmier dans le village. Ainsi, il s’investit hebdomadairement dans le dispensaire qu’il entreprend de faire construire. Lui intervient gratuitement et laisse le soignant en place être rémunéré.


Les projets soutenus par la FICD



En vacances en Suisse, le couple parle de son expérience à l’organisation Interteam. Cette dernière les engage comme volontaires pour soutenir leur action. « Sans nous en rendre compte, un projet venait de naître. Les gens parcouraient jusqu’à 500 km pour venir à notre rencontre, même les femmes enceintes ! » L’aventure en RDC s’arrête brutalement en 1990. « J’ai reçu la foudre. Notre maison a été détruite et j’ai été gravement brûlé. Après des premiers soins sur place, nous sommes rentrés en Suisse avec l’espoir de revenir rapidement. » L’instabilité politique chronique du pays brisera ce souhait.

Premiers projets en Guinée Conakry

En 2003, Kasongo fait la connaissance d’un pasteur guinéen. Il visite l’école construite à Fria par l’homme d’église et entreprend de lui donner un coup de main, tant du point du vue du matériel que financier. C’est à cette occasion qu’il fonde les Écoles de l’Espoir. « C’est  Marie-Georgette Vallat (NDLR : fondatrice de l’association Aide suisse à l’enfance haïtienne, éminente représentante des actions de solidarité de notre région, décédée en 2012 lors d’une visite à Haïti) qui m’a conseillé pour la création de l’association. » De fêtes africaines en démarches de récoltes de fonds diverses, les Écoles de l’Espoir prennent leur envol. « Après le projet du pasteur, nous nous sommes intéressés à construire une seconde école, toujours à Fria, mais dans un quartier encore plus défavorisé. »

Par la suite, le comité des Écoles de l’Espoir décide de revenir sur les terres d’origine de Kasongo et de construire une école en RDC. « Nous avions de l’argent en caisse et il était légitime que je revienne enfin aider mon pays, confie-t-il. Avec le temps, je ressentais une forme de culpabilité. » L’infirmier explique avoir dû choisir entre le domaine médical et l’éducation : « Avec mon expérience, je constatais que les personnes que nous soignions revenaient toujours au bout de deux ou trois mois avec la même maladie. C’est ainsi que j’ai compris que je devais axer notre travail sur l’éducation, afin d’éviter que les gens n’arrivent au dispensaire. » Fort de ce constat, quoi de mieux que l’école pour enseigner les règles d’hygiène élémentaire, puis former les élèves à des métiers ?

« Certains sont devenus médecins »

Avec le recul, Kasongo ne culpabilise plus. « Cela fait 20 ans que l’association existe et nous avons soutenu de nombreux enfants. Certains sont devenus médecins. » Il est conscient qu’il reste beaucoup à faire « mais nous devons nous concentrer sur nos succès, sur l’éducation des jeunes et ne pas se focaliser sur toute la misère. »

Le désormais citoyen de Valbirse a beaucoup voyagé ces dernières décennies. « J’ai découvert mon pays et plus généralement l’Afrique en venant ici, en Europe. Avant de débarquer ici, je ne connaissais même  pas d’autres régions que la mienne en RDC. Ici, j’ai découvert l’amour du continent africain. »

Si, au départ, l’objectif de Kasongo était simplement d’étudier en Belgique, puis de retourner chez lui avec une bonne formation, l’éloignement lié aux circonstances de vie l’a amené à prendre un certain recul sur la manière d’apporter de l’aide. « Lors de mon retour en RDC, tout le monde s’étonnait de mon désir de m’installer dans un village éloigné du confort moderne. Aujourd’hui, j’ai observé le système de formation dual, en Suisse, et j’ai trouvé qu’il fallait exporter ce modèle chez moi. » C’est ainsi que le nouveau projet des Écoles de l’Espoir soutenu par la FICD est la construction d’un bâtiment dédié à abriter des ateliers de formation professionnelle. « Ce sont les métiers manuels qui produisent une vraie valeur ajoutée et qui serviront à soutenir le développement de mon pays », conclut-il.


Bruce Rennes ● Chargé de projets