L’association Ecoles de l’Espoir présidée par Kasongo Mutombo s’occupe de deux établissements scolaires situés respectivement à Fria (Guinée Conakry) et à Lubumbashi (République Démocratique du Congo). Les deux projets ont été gravement touchés par la pandémie mondiale. Un impact toutefois légèrement « atténué » grâce à la forte générosité des membres de l’association.

Un confinement à l’occidentale ne peut pas fonctionner au Congo ou en Guinée. »

Membre FICD :

Association basée à Frégiécourt, active en Guinée Conakry. Parrainages scolaire, appui à la construction d’écoles et à l’approvisionnement en fournitures scolaires à Fria.

De quelle manière la pandémie a-t-elle affecté vos activités en Suisse ?

Comme c’est le cas pour toutes les associations, nos principales sources de financement sont actuellement bloquées. Ces derniers mois, nous n’avons pas pu organiser nos propres manifestations, ni participer à des fêtes de villages ou autres gros événements, type Tropicana ou Chant du Gros. Il a été également impossible d’organiser des ventes de pâtisseries. Fort heureusement, nous avons bénéficié d’un soutien sans faille de la part de nos membres. Ce fut notre principale ressource financière de l’année 2020. Elle fut précieuse.

À combien évaluez-vous cette perte financière ?

Je pense qu’au total, nous avons un manque à gagner de l’ordre de 20’000 francs. Cela a un impact assez grave sur le soutien de nos projets. Toutefois, nos membres ont été généreux. Par rapport aux autres années, nous avons reçu davantage de dons, de l’ordre de 9 ou 10’000 francs en 2020 en tout.

Avez-vous mené d’autres actions pour diversifier vos ressources financières ?

Oui, nous ne nous sommes pas croisé les bras. Nous avons envoyé sans succès des lettres à différentes fondations. Sylvia Moritz, membre du comité, a pris contact avec Jean-Marc Richard et la Chaîne du Bonheur. S’il n’a pas pu nous soutenir directement, il nous a recommandés à une autre fondation qui nous a accordé 3’000 francs. Un montant qui nous permet d’assurer une partie des salaires des enseignant·e·s.

Ensuite, la firme Rolex nous a donné 30 ordinateurs portables qui seront envoyés en RDC. Toutefois, comme aucun container n’est prévu, je dois les faire partir via le fret aérien. Seulement, comme les batteries sont considérées comme des éléments dangereux, nous devons acheminer le matériel par lots, à raison de deux ordinateurs par expédition.

Quelle est la situation sur place ?

Que cela soit en RDC ou en Guinée, la situation est catastrophique pour les écoles privées. En RDC, ces dernières représentent 65 % des établissements scolaires. Ainsi, une grande partie du système scolaire, qui repose sur elles, est totalement bloquée. Ce sont notamment les parents qui financent le fonctionnement des écoles privées. Ces dernières étant fermées, les parents ne paient plus, ce qui représente un manque à gagner important. Les écoles publiques, quant à elles, dépendent du budget de l’Etat. Elles continuent donc de recevoir les financements nécessaires à leur fonctionnement. De notre côté, nous ne bénéficions d’aucun soutien étatique, pas un seul centime ! En outre, avec le confinement, nous avons moitié moins d’élèves dans notre école de Lubumbashi et ce, bien que nous ayons drastiquement baissé les frais de scolarité. Là encore, la perte financière est importante.

À quelles autres actions participez-vous ?

Nous participons à la Fête de la Solidarité organisée par la FICD. C’est un processus qui nous assure une certaine visibilité auprès de l’Ecole secondaire de Saint-Imier, partenaire de la FICD pour l’occasion. C’est important. Il y a eu des contacts pour un atelier consacré à la découverte des insectes en tant qu’aliments du futur et une animation autour des contes : qu’est-ce qu’un conte ? À quoi sert-il ? (voir encadré)

Comment les écoles ont-elles fait face à leurs charges ?

Au niveau de notre association, nous avons dû vider notre caisse afin d’assurer le salaire de nos enseignant·e·s. Nous avons pris en charge la moitié de la masse salariale des enseignant·e·s de Lubumbashi et environ le tiers de celle de Fria. C’est à peine assez pour assurer la subsistance quotidienne de ces personnes et des familles qui en dépendent.

Au total, nous avons dépensé environ 12’000 francs afin d’assurer la rémunération des collaborateurs·trices des deux écoles. Habituellement, les montants envoyés varient entre 6’500 et 8’000 francs.

Face à la crise, la situation des filles scolarisées s’est-elle fragilisée ?

Oui, effectivement. En raison du confinement, le travail manque et les revenus des populations ont largement diminué. Lors de la réouverture des écoles, fin février, de nombreux parents n’ont plus envoyé leurs enfants à l’école, les ressources financières étant insuffisantes. La réduction des frais de scolarité n’a pas suffi à enrayer ce phénomène. Et lorsque des enfants sont envoyés à l’école, les garçons sont privilégiés, au détriment de nombreuses filles qui ne sont malheureusement plus scolarisées. Elles paient un lourd tribut à la pandémie.

Quel a été l’impact sur la qualité de l’enseignement ?

Les programmes n’ont pas été suivis jusqu’au bout. Il n’y a aucune possibilité de mettre en place des cours à la maison. Il aurait fallu compter sur le soutien financier des parents, mais c’était inenvisageable. Aussi bien en RDC qu’en Guinée, la fin de la dernière année scolaire a été décalée. Et cette année, rebelote, c’est le début de l’année scolaire qui n’a pas commencé à la date habituelle.

Quelle est l’influence sur les autres aspects de vos projets ?

Nos ressources financières ayant été principalement mobilisées pour le soutien des salaires, ce sont l’ensemble des projets liés aux infrastructures des écoles qui ont été stoppés net ! Nous n’avons aucun soutien qui nous permette de poursuivre ces projets à court terme. Un projet de bibliothèque scolaire à Lubumbashi a été pour l’instant repoussé.

Dans le chaos de la pandémie, nous avons tout de même reçu une bonne nouvelle du côté de la RDC. Depuis février, l’eau est enfin entrée dans l’école. C’est le point final d’un projet qui avait déjà reçu des financements. Dorénavant, l’école est connectée à la régie des eaux de la commune de Lubumbashi. Les enfants peuvent se laver et boire. C’est arrivé au bon moment !

Quelles ont été les mesures prises dans vos pays d’intervention pour lutter contre la Covid ?

Pour être honnête, je ne trouve pas que la RDC, par exemple, méritait d’avoir un confinement à l’européenne. Là-bas, il n’y a pas beaucoup de malades et très peu de décès.

L’Afrique n’est pas l’Europe. La fermeture des écoles a des conséquences désastreuses. Et il est impossible de fermer les marchés. La population ne dispose pas de frigo pour stocker ses denrées alimentaires. Il faut bien se nourrir !

Au Congo, une de mes connaissances m’a dit : « Nous n’avons pas la Covid, mais le frigo vide ! ». Cela résume bien la situation, les effets du confinement sont nettement plus catastrophiques que la pandémie elle-même.

La situation s’est nettement dégradée pour les plus pauvres. On y meurt davantage de l’affaissement d’une situation économique déjà bien plus fragile que de la maladie.

Vous l’avez dit : face à cette catastrophe, vos membres ont été d’un précieux soutien, n’est-ce pas ?

L’an dernier, une tempête a arraché le toit de notre école de Lubumbashi. C’est arrivé alors que l’établissement était occupé par les enfants. Fort heureusement, il n’y a pas eu de blessés. Toutefois, nous avons dû débloquer un budget d’urgence de l’ordre de 8’000 francs pour réparer très rapidement le toit.

Lors de nos vœux de fin d’année, nous avons signalé la nouvelle à nos membres. Ces derniers se sont rapidement montrés très généreux puisque nous avons reçu des dons plus conséquents que par le passé : parfois même de 500 à 700 francs contre 100 ou 200 francs habituellement.

Pour conclure cette interview, je tiens à remercier très chaleureusement nos membres et nos soutiens qui nous ont permis de poursuivre nos actions en 2020-2021 


Propos recueillis par Bruce Rennes, chargé de projets ● FICD