Nous connaissons les problématiques liées à la Covid-19 qui ont contraint les écoles suisses à s'organiser. Qu'en est-il dans les pays du Sud ? Les responsables de CormoAtlas (Maroc), des Ecoles de l’Espoir (Guinée Conakry) et d’Espoir pour Eux (Haïti, Rwanda et Sénégal) nous détaillent l’organisation d’une rentrée scolaire pas comme les autres.

En cette période troublée, le nexus entre l’aide humanitaire et la coopération au développement est donc plus que jamais d’actualité. »

Sans nul doute, la pandémie mondiale de Coronavirus a durablement affecté l’organisation de nombreux établissements scolaires. En Guinée Conakry, le président des Ecoles de l’Espoir Kasongo Mutombo précise que « la rentrée scolaire est repoussée au 15 novembre, après les élections présidentielles. » En effet, la période du 1er septembre au 15 octobre est uniquement consacrée au rattrapage de l’année scolaire 2019-2020. Les élèves disposeront ensuite d’un mois de vacances avant d’attaquer la rentrée 2020-2021.

Du côté du Maroc, la rentrée scolaire s’est déroulée le 7 septembre. Toutefois, « Les élèves liés à notre internat de Bouchbel ont repris les cours avec 2 semaines de retard, explique Abdelkader Zalagh, président de l’association CormoAtlas, le temps de tester l’ensemble des adultes intervenant dans l’institution. » Néanmoins, les tests gouvernementaux traînaient à arriver et les responsables de ATAD, l’organisation partenaire locale, ont décidé d’ouvrir l’internat. « Les élèves qui vivent proches de l’école avaient déjà repris le chemin des salles de classes. Les autres étaient donc déscolarisés et pénalisés », précise l’habitant de Cormoret.

Pour les enfants dépendant de l’association Espoir Pour Eux, le mois d’août fut consacré à rattraper le retard de l’année scolaire précédente. Sa présidente Magali Etique Perrin : « En Haïti, les plus grands ont repris les cours pour deux mois afin de travailler sur un maximum de matières en vue des examens de fin d’année qui se déroulèrent fin septembre. Les plus jeunes ont disposé en août de trois semaines de cours afin de terminer l’année scolaire et avant de profiter d’un mois de repos, en septembre. La reprise est prévue courant octobre. »

Organisation sanitaire

En Guinée Conakry, les mesures sanitaires mises en place cette année continuent. Ainsi, l’ensemble des élèves possèdent un masque confectionné par les tailleurs locaux à partir de morceaux de pagnes. Les masques sont vendus aux parents qui en ont les moyens financiers. Autrement, l’école achète le nécessaire pour les familles les plus pauvres. La direction de l'école a installé une bassine d'eau contenant du désinfectant devant chaque classe pour le lavage des mains. « Toutefois, certains parents nient l’existence de la maladie et refusent la mise en place de ces mesures », détaille Kasongo.

Dans les montagnes du Moyen-Atlas, au Maroc, la pandémie est au plus fort. « Les enseignants sont un peu désemparés et ont peur, raconte Abdelkader. Un directeur d’école et un instituteur sont décédés dans la région. C’est un vrai climat d’incertitude et les hôpitaux sont à saturation. » Avec cette situation catastrophique, aussi bien l’internat que l’école appliquent des mesures d’hygiène stricte de manière à limiter les risques. Outre le lavage des mains et la désinfection des locaux, le port du masque est obligatoire pour les collégiens et les lycéens dans les espaces clos, ainsi que dans les espaces extérieurs de l’établissement scolaire.

Au pays des 1000 collines, l'école n'a pas encore repris. « Au Rwanda, les classes sont surchargées, cela ne permet pas l’organisation d’une distanciation physique efficace malgré la construction d’un très grand nombre de classes par le gouvernement », explique Magali. Au Sénégal les enfants talibés dont s’occupent l’association ne sont pas scolarisés. « Toutefois, les centre ont réouvert et accueillent des enfants, mais en plus petit nombre. ».

Des finances mises à mal

L’impact de la Covid-19 ne se limite pas à des questions d’organisation. Les finances sont soumises à rude épreuve. En effet, avec l’interdiction des manifestations de ce printemps, les associations n’ont guère pu organiser les événements qui leur permettaient habituellement de récolter des fonds en faveur de leurs projets. S’y ajoute encore, les difficultés financières de nombreuses familles en Suisse qui, de fait, n’ont pu renouveler leur parrainage ou effectuer un don. Kasongo détaille : « Tous les projets font face à des pertes de rentrée et de soutien de la part de Suisses et Suissesses qui ont perdu leur travail, par exemple. » Et sur place, durant le confinement, les parents n’ont pas payé de frais de scolarité. Avec cette double perte, l’association des Ecoles de l’Espoir est confrontée à des difficultés afin de trouver les fonds nécessaires au paiement du salaire des enseignants. Au Maroc, l’ATAD a mis tout en œuvre pour rouvrir l’internat sans obtenir un seul centime d’aide de la part de l’état. Outre l’aspect scolaire, c’est tout le système qui est bouleversé. « C'est très compliqué en Haïti… Les enfants ont très faim malheureusement », conclut Magali.

En cette période troublée, le nexus entre l’aide humanitaire et la coopération au développement est donc plus que jamais d’actualité. Il consiste à employer simultanément plusieurs instruments différents afin d’obtenir un effet maximal d’engrenage et de synergie capable d’optimiser les résultats bénéficiant à la population cible. Cela passe par une ouverture d’esprit dans l’analyse et la remise en question des priorités des projets en cours de financement afin de pallier aux difficultés liées à la situation actuelle.


Bruce Rennes, chargé de projets ● FICD