Où se situe la Suisse dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030 pour le développement durable ? Un rapport du Conseil fédéral, présenté récemment aux Nations Unies, répond à cette question. Si de nombreuses avancées ont été réalisées, il reste encore beaucoup à faire pour construire un monde meilleur.

Si la Suisse est championne du monde du recyclage, elle fait pâle figure en matière de déchets. Tout Helvète en produit 716 kg par an.»

Il a fallu plus de deux ans pour dresser un état des lieux. Toutes les pièces du puzzle ont dû être assemblées afin de déterminer où se situe la Suisse dans la mise en œuvre de l’Agenda 2030. Dans un rapport concis, le Conseil fédéral présente les mesures déjà prises et précise les étapes à venir pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) d’ici à 2030.

La Suisse en bonne position

Le processus interdépartemental a été initié en 2015 sur mandat du Conseil fédéral, sous la direction de la DDC et de l’Office fédéral du développement territorial. Il a touché l’ensemble de l’administration fédérale. Les cantons, les villes, les communes et les acteurs non étatiques ont également été associés à la rédaction du rapport par le biais d’une consultation en ligne. La plate-forme «Dialogue 2030 pour le développement durable» ainsi que le «Groupe d’accompagnement Agenda 2030» ont, en outre, été mis en place pour donner la parole aux représentants de la communauté scientifique, de la société civile, de l’économie et de la jeunesse.

«Nous n’avons encore atteint aucun des 17 ODD», déclare humblement Christoph Lang, de la DDC. Il souligne, néanmoins, que des avancées ont été réalisées, notamment dans les domaines de la protection contre les risques naturels, de la cohésion sociale et du développement durable. La fondation allemande Bertelsmann confirme cette évaluation. Elle dresse, chaque année, un bilan des progrès accomplis par chacun des pays dans le cadre de l’Agenda 2030. Ainsi, dans le «SDG Index and Dashboards Reports 2017», la Suisse se hisse au 8e rang sur un total de 157 États. La Suède, le Danemark et la Finlande occupent la tête du classement

La performance helvétique n’est pas due au hasard. Le développement durable jouit d’une longue tradition dans notre pays. Il bénéficie, depuis 1999, d’un mandat constitutionnel, promu au niveau national à travers la stratégie pour un développement durable et à l’étranger par le message concernant la coopération internationale.

Plus de trois planètes pour les Helvètes

La Suisse ne peut, toutefois, pas se reposer sur ses lauriers. Elle a encore un long chemin à parcourir pour atteindre, par exemple, le sous-objectif 1.2. Celui-ci demande que le nombre de personnes vivant en dessous du seuil de pauvreté national soit réduit de moitié. L’égalité entre les sexes, tel que prescrit par l’ODD 5, reste également à mettre en œuvre. Le rapport Bertelsmann s’inquiète surtout de l’exploitation disproportionnée des ressources naturelles et de la pollution sur le territoire helvétique. Comme pratiquement la totalité des 35 pays de l’OCDE, la Suisse doit mettre les bouchées doubles si elle entend réaliser les ODD 12 et 13. Le premier porte sur la promotion de modèles de consommation et de production durables; le second exige l’adoption de mesures urgentes pour lutter contre le changement climatique et ses conséquences.

«S’agissant de son empreinte écologique, la Suisse fait figure de pays en développement», souligne Michael Gerber, représentant spécial pour le développement durable mondial. Si le monde entier adoptait le même mode de vie que les Suisses, trois planètes seraient nécessaires à ses besoins. Ce déséquilibre entre consommation des ressources naturelles et capacité de la nature à régénérer celles-ci persiste depuis des années.

Si la Suisse est championne du monde du recyclage, elle fait pâle figure en matière de déchets. Tout Helvète en produit 716 kg par an. Réduire cette montagne de détritus ne sera pas chose aisée. L’administration fédérale souhaite relever ce défi en définissant une stratégie nationale.

Que de nourriture gaspillée!

La mondialisation, avec pour corollaire la consommation de biens en provenance de l’étranger, a également accru l’impact environnemental de la Suisse. Mais la cause principale de cette hausse reste la nourriture que nous jetons tous les jours à la poubelle. Plusieurs études ont montré que, dans notre pays, près d’un tiers des aliments étaient jetés, avant même d’arriver sur la table. Il s’agit d’un phénomène inquiétant que les organisations de défense des consommateurs, les détaillants, la Confédération et les cantons entendent combattre par des campagnes de sensibilisation.

Alors que le gaspillage alimentaire constitue une préoccupation en Suisse, les pays en développement sont confrontés à un autre problème : la perte de semences et de céréales immédiatement après la récolte. La Confédération soutient des projets visant à réduire les déchets alimentaires tout au long de la chaîne de production, de la ferme à la table. Elle attend également des multinationales basées en Suisse qu’elles respectent les droits humains ainsi que les normes environnementales et sociales internationales.

En juillet, la Suisse et 46 autres pays ont présenté à New York leur premier rapport détaillé sur la mise en œuvre de l’Agenda 2030, à l’occasion du Forum politique de haut niveau des Nations Unies sur le développement durable. «Les objectifs du Millénaire pour le développement avaient déjà déclenché une sorte de compétition entre les pays: un mécanisme que l’Agenda 2030 a renforcé», se félicite Michael Gerber. La Suisse compte bien participer à cette course. En faisant le point de la situation, elle a jeté les bases pour pouvoir continuer, après les mots, à construire un monde meilleur


Luca Beti. Avec l’aimable autorisation de la rédaction Un seul monde/DDC ● eda.admin.ch