Début mai, Olivier Girardin, président de la Fédération interjurassienne de coopération et de développement (FICD), s’est rendu en Côte d’Ivoire et au Cameroun pour une mission d’une dizaine de jours qui lui aura permis de suivre différents projets soutenus par la fédération.

L’institut Agricole d’Obala (IAO) est un établissement, reconnu par l’Etat Camerounais, qui dispense des formations professionnelles agricoles. Dès sa création, l’institut a été soutenu par le canton du Jura qui, depuis 2018, en a confié la gestion du financement et du suivi à la FICD. Celle-ci, en sus des contributions jurassiennes, lui permet d’avoir accès à des fonds du canton de Berne et de la Direction du développement et de la coopération. C’est au titre d’expert et de membre du Conseil d’administration de l’IAO qu’Olivier Girardin s’est rendu au Cameroun ce printemps : « Sur place, je peux suivre les projets, constater les progrès et recueillir les questions ou les difficultés. »

Un développement international

Depuis plusieurs mois, l’IAO multiplie les contacts internationaux en vue de diversifier ses soutiens et surtout de favoriser les échanges entre ses étudiant·e·s, ses enseignant·e·s et ceux des écoles d’agriculture européennes. En 2019, des échanges ont déjà eu lieu entre la Fondation rurale interjurassienne de Courtemelon et l’Institut Agricole d’Obala. L’an dernier, son directeur, Louis Ndjié, a signé une convention avec l’Ecole d’agriculture de Châteauneuf, dans le Valais. Au cours de ce voyage 2022, l’établissement camerounais a également accueilli Marc Pouly, le directeur de l’Ecole supérieure d'agro-développement international basée à Angers, en France. « La délégation française a été épatée par le projet, elle a tout de suite imaginé le potentiel d’échange pour ses étudiant·e·s », détaille Olivier Girardin.

Toujours concernant ce volet mobilité, il est remarquable de constater que l’IAO est le seul établissement camerounais à avoir été retenu pour participer au programme d’échange Overstep d’Erasmus. Ce programme, qui rassemble des établissements d’enseignement professionnel de dix pays africains et trois partenaires européens, vise à permettre la rencontre des personnels encadrants et enseignants, via l’organisation de mobilités en Afrique et en Europe, pour échanger leurs méthodes et pratiques. Il est consacré à l’enseignement dans les secteurs de l’agriculture, de l’agro-alimentaire et du tourisme, ainsi que de l’hôtellerie-restauration.

Un master en agronomie à 63 ans

L’ouverture à l’international de l’IAO a une influence sur son infrastructure et sur ses projets. Pour le président de la FICD, « Le soutien financier accordé par la FICD pour l’aménagement d’un dortoir est essentiel, il est en phase avec cette stratégie de développement à l’international. » Ouvert il y a 20 ans, avec trente élèves, l’établissement accueille aujourd’hui 1 500 jeunes en formation, de l’enseignement général du secondaire, aux brevets de technicien·ne agricole et technicien ne agricole supérieur, au bachelor et master agricoles sans oublier les formations duales et modulaires. Ce beau développement rend nécessaire l’ouverture  de classes et de possibilités de logement. « Cette année, 57 élèves ont obtenu le titre d’ingénieur·e agronome, le plus vieux d’entre eux avait 63 ans. » Un représentant du ministère de l’enseignement supérieur et le recteur de l’université de Dschang (dont dépend l’IAO pour ce titre universitaire) étaient présents lors de la cérémonie de remise des diplômes, ce qui témoigne de la belle réputation de l’établissement d’Obala.

En tant que membre « étranger » du conseil d’administration, Olivier Girardin est en quelque sorte la caution internationale de l’institut : « C’est un lien que Louis Ndjié souligne régulièrement, cela nous donne une impulsion qui diversifie les sources de financements. » En effet, par son soutien à l’infrastructure de l’établissement, la FICD assure une base. « Une fois que le socle est en place, d’autres partenaires s’approchent de l’IAO en vue d’apporter un soutien à d’autres projets. » Avec des crédits bancaires à des taux de l’ordre de 14 % au Cameroun, la recherche de partenaires est donc essentielle pour éviter de s’endetter. « Toutefois, ces partenaires ne doivent pas investir dans le fonctionnement d’un établissement, sinon ils créent une relation de dépendance qu’il faut absolument éviter. L’investissement doit se concentrer sur l’infrastructure », conseille Olivier Girardin.




La sécurité alimentaire en ligne de mire

Au Cameroun toujours, Olivier Girardin a également rendu visite à l’association Action-Puits pour tous les peuples, membre de la FICD. L’école qu’elle gère a été soutenue en 2016-2017 par la fédération. Située à Zalom, elle accueille environ 400 enfants qui reçoivent une éducation de base de qualité. Sous la houlette de son président Joël Quiquerez, l’association vise maintenant l’installation d’une ferme dédiée à l’agriculture, sur plusieurs hectares, qui servira notamment à la formation des jeunes terminant leur parcours scolaire. Pour le président de la FICD, c’est l’occasion de développer des échanges Sud-Sud : « la ferme de Zalom est située à 30 kilomètres de l’IAO. Il y a donc des synergies à développer. Le projet pourrait bénéficier de l’expérience de l’institut agricole d’Obala. »

Avant de se rendre au Cameroun, Olivier Girardin a aussi visité le Centre Suisse de Recherches Scientifique (CSRS) d’Abidjan, en Côte d’Ivoire, un établissement qu’il a dirigé entre 1998 et 2004 et dans lequel il est toujours impliqué. Fervent défenseur de la mobilité, il insiste sur les échanges entre les établissements. « Avec le soutien de l’organisation Movetia, on souhaite encourager les échanges d’étudiant·e·s et d’enseignant·e·s entre le Cameroun, la Côte d’Ivoire et la Suisse, précise-t-il. Les un e s et les autres sont ainsi confronté e s à différents modèles d’agriculture familiale et à la notion d’entreprenariat agricole. »

En outre, l’association Sinzénou Djanfouè, également basée en Côte d’Ivoire, autre membre de la FICD, va aussi profiter des liens étroits noués entre les différentes organisations. Elle vient de déposer une demande de soutien auprès de la fédération pour un projet « d’autonomisation de la jeunesse de Sinzénou ». Il a pour objectif de former les jeunes à la maîtrise des itinéraires techniques des cultures et à la conduite de l’élevage. Il elle s seront informé e s sur les outils de gestion de leur exploitation afin de leur permettre de s’orienter vers les spéculations les plus rentables et à même de répondre aux exigences de la sécurité alimentaire.

Cette dernière notion a une importance capitale au regard de l’actualité internationale. On le sait, le conflit russo-ukrainien menace le monde de pénurie alimentaire. « Prenons l’exemple du projet d’Action-Puits pour tous les peuples, les besoins en riz sont évalués à 50 kg par jour. Or, le prix de cette denrée a augmenté de 50 %. » Pour Olivier Girardin, la sécurité alimentaire passe par le modèle de développement d’une agriculture familiale basée sur l’entreprenariat prôné et encouragé par l’IAO. « Il est important de sortir d’une logique d’agriculture exportatrice pour se concentrer sur une agriculture vivrière. »

La clé du succès

En se basant sur ses expériences personnelles, Olivier Girardin retient plusieurs pistes pour assurer un projet de qualité. Tout d’abord, il estime nécessaire de travailler avec des partenaires sur place qui soient pleinement engagés à la réussite du projet. Ensuite, « sa réussite passe par un engagement dans la durée avec des échanges mutuels régulier. On est clairement dans un partenariat gagnant-gagnant. »

Pour terminer, le président de la FICD souligne également le rôle de la gouvernance des associations. Pour lui, le comité ou le conseil d’administration qui gère le projet doit être solide. Il doit fonder ses décisions sur des documents solides tels qu’un règlement interne, un manuel de procédure ou encore se doter d’un système de contrôle interne. « Cette année, lors du conseil d’administration de l’IAO, nous avons pu parcourir et valider l’ensemble des documents transmis à l’avance. Cela nous a permis de recevoir un rapport financier qui a été accepté sans réserve ainsi que le document stratégique du groupe IAO pour la période 2022-2026. C’est un outil indispensable et un document de communication rassurant pour les bailleurs et pour le développement de futurs projets. »


Bruce Rennes ● Chargé de projets 



Reportage de l'IAO sur ses nouveaux dipômé·e·s