Les Brésiliens sont parmi les plus gros consommateurs de café, ils consomment la moitié de ce qu’ils produisent et sont incontestablement les champions de l’exportation. C’est dans ce contexte favorable que, depuis 2004, l’association FUSAM soutient son partenaire local l’ASA (Association Solidarité Amazonie), une organisation de citoyens située à Silves, une commune brésilienne de l’État d’Amazonas. En ligne de mire : produire un café destiné à satisfaire le marché local et à offrir de nouvelles perspectives aux agriculteurs régionaux.

Membre FICD


FUSAM

Association basée à Delémont et active au Brésil. FUSAM soutient et gère un projet de plantation de café à Silves, en Amazonie.


Au-delà d’un simple projet agricole, Cristiane Lins Kury relève que l’objectif est avant tout sociétal. « Il est important de freiner l’exode rural. Le café représente une opportunité économique pour les jeunes de notre région. »

Face à l’offre de travail très restreinte  à Silves, au Brésil, les associations FUSAM et ASA se sont penchées sur différentes pistes de projets d’agriculture. Après de nombreuses recherches, c’est le choix de plantations de café type Robusta (une variété très résistante par rapport au café type Arabica) qui a été retenu.

Toutefois, l’aventure n’a pas été sans difficulté. « Sans l’intervention de Bruno Kull en 2014, nous ne serions plus là. Il connait le terrain et parle la langue. C’est un formateur d’adulte, donc il sait comment communiquer », débute Cristiane Lins Kury, responsable projets de l’association FUSAM. Mandaté par la FICD afin d’apporter un appui institutionnel à l’ASA, le regard de Bruno Kull,  ingénieur agronome suisse, alors volontaire E-changer, a permis de résoudre différentes problématiques : en éliminant les profiteurs d’une part et en proposant l’étude d’un planton de café adapté à la région d’autre part, s’éloignant ainsi d’une culture biologique peu fiable. « Au départ, notre café n’était pas adapté à nos sols, trop pauvres. Le rendement était faible en regard des importants investissements. »

Changement de cap !

La nouvelle orientation est salutaire. Avec l’appui d’Embrapa Amazonia, une unité de recherche éco-régionale qui développe notamment des études en cultures alimentaires et agro-industrielles, l’ASA consacre son énergie à la recherche d’un planton Robusta adapté aux sols amazoniens. Depuis deux ans, les tests sur le terrain de l’association sont prometteurs et les rendements très satisfaisants : « De 80 à 110 sacs de café par hectare contre 30 sacs auparavant. C’est l’aboutissement de 20 années de recherche. » Ces résultats réjouissants permettent maintenant de vendre des plantons certifiés de ce café. L’an dernier, l’association a écoulé environ 50’000 plantons aux agriculteurs. « L’objectif est d’être rejoint par de plus en plus d’agriculteurs », précise Cristiane Lins Kury.

En effet, le retour sur investissement sera important pour les agriculteurs. Ils passeront d’une culture du manioc, moins intéressante financièrement, à celle du café qui améliorera leur rémunération et donc leurs conditions de vie. « L’augmentation des revenus favorisera notamment la scolarisation des enfants. » Un objectif réalisable, d’autant plus qu’il existe un marché en fort développement.

Des perspectives de distribution réjouissantes

Au début de l’année 2019, le plus grand producteur de café du Brésil, le groupe 3Corações (3 cœurs) s’est intéressé au café Robusta de l’ASA. Une démarche qui n’est pas innocente : en effet, afin de satisfaire la forte demande locale de café, l’entreprise de torréfaction importe actuellement plus de 99 % du café du sud du Brésil. Une production locale serait donc plus intéressante et plus avantageuse en termes de coûts. « Ils sont donc motivés à stimuler l’agriculture de la région de Silves. C’est pourquoi il est  important d’avoir un café régional de qualité. » Ainsi, à moyen-terme, l’objectif de 3Corações est de se fournir à 100 % en production locale. Un objectif qui prendra des années avant d’être atteint, puisque le torréfacteur a besoin de 1’000 tonnes de café par semaine.

Un soutien du gouvernement local

Le soutien du numéro 1 du café à la production locale n’est pas sans incidence sur la politique agricole du Gouvernement local. En effet, bien conscient de l’opportunité représentée par l’implication régionale de 3Corações en termes d’emplois et d’économie, le Gouvernement a soutenu deux mesures fortes : un partenariat avec les banques afin d’offrir un crédit à 0 % qui facilite la transition des agriculteurs vers la production de café, et l’ouverture d’une ligne budgétaire afin que l’organisation d’Embrapa Amazonia puisse poursuivre sa collaboration avec l’ASA et suivre le projet.

Une ligne de crédit utile qui soulage les finances de FUSAM qui assurait jusque-là ce financement. « Dès lors, nous pourrons maintenant consacrer nos finances aux infrastructures de l’association, à l’achat de véhicules ou machines, etc. ».

Un objectif social

Au-delà d’un simple projet agricole, Cristiane Lins Kury relève que l’objectif est avant tout sociétal. « Il est important de freiner l’exode rural. Le café représente une opportunité économique pour les jeunes de notre région. » Mais pour convaincre les jeunes et les moins jeunes de se lancer dans la culture du café, il est important de démontrer des résultats positifs sur la qualité de vie des habitants. « Dans la région, les agriculteurs ne savent pas lire, mais ils savent compter : si un agriculteur constate que son voisin s’achète une voiture grâce aux revenus du café, il sera très motivé ! »

Si les perspectives au Brésil sont réjouissantes, le fonctionnement de FUSAM est précaire. « Actuellement, le comité suisse est composé de trois personnes. Nous recherchons de nouveaux membres. L’essentiel du travail consiste à organiser notre loto humanitaire du début d’année : il finance en grande partie les frais de fonctionnement de l’ASA. »

Le travail continue. Dans quelques semaines Cristiane Lins Kury se rendra au Brésil. Une journée portes ouvertes est organisée par l’ASA ; elle se déroulera au moment de la cueillette du café. 150 personnes sont invitées et, bien évidemment, tous les partenaires locaux de l’ASA et de FUSAM seront présents. Ce jour-là, sans nul doute, l’agréable odeur du café local parfumera les importantes conversations sur l’avenir agricole de la région.


Bruce Rennes (FICD) et Cristiane Lins Kury ● fusam.ch