Entré dans nos vies il y a quelques semaines, le Covid-19 chamboule des pans entiers de l’activité humaine. La coopération et le développement n’y échappent pas. Pour la FICD, en Suisse, les conséquences se limitent pour l’instant à quelques ajustements de plannings et à l’annulation de manifestations. Sur le terrain, c’est plus compliqué. Certains projets sont directement touchés. Cette pandémie mondiale est également l’occasion de questionner notre lien à la nature.

Où se situe la Suisse sur le chemin du développement durable ? : MONET 2030

Le système d’indicateurs MONET 2030 présente une vue d’ensemble du développement durable en Suisse, illustrant les progrès réalisés en direction des 17 objectifs de développement durable (ODD) de l’Agenda 2030 des Nations Unies ainsi qu’en regard de certaines thématiques propres à la Suisse. Composé de plus de 100 indicateurs qui touchent aux trois dimensions environnementale, sociale et économique, le système est structuré selon les 17 ODD.

https://www.eda.admin.ch/agenda2030/fr/home.html#1

Le confinement est-il une sorte de revanche de la nature sur l’être humain ? Dessins humoristiques et vidéos montrant des animaux sauvages investir les lieux désertés par l’homme pullulent sur internet. Les scientifiques ont désigné la chauve-souris ou le pangolin comme principaux suspects dans la transmission du coronavirus à l’homme. Plus largement, plus de 60% des pathogènes existants (Ebola, SRAS, grippe aviaire, etc.) sont d’origine animale et, parmi ceux-ci, les deux tiers proviennent d’animaux sauvages. Si la longue histoire de l’humanité est parsemée d’interactions entre les microbes et les hommes, il apparaît toutefois que la fréquence d’apparition des pandémies s’accélère. La faute à la faune sauvage, vraiment ? Et si nous étions les vrais coupables ?

Les conséquences d’une faune morcelée

On peut bien évidemment ironiser sur les pratiques de certaines populations, sur leur capacité à nuire à la faune sauvage en raison d’habitudes alimentaires ou de croyances culturelles. Toutefois, la problématique est bien plus large que cela. Dans les pays occidentaux comme ailleurs, l’homme est responsable de la destruction de son environnement. En cause, il y a l’agriculture intensive, par exemple. En découpant ainsi la nature pour ses propres besoins, l’homme cause une «archipélisation» de la faune : les animaux sauvages n’ont pas d’autre choix que de déborder sur le territoire des humains, ces derniers étant présents partout. En Suisse par exemple, le lynx, ordinairement si discret, est pourtant de plus en plus souvent capté par les appareils photos des promeneurs.

Ici, les conséquences se limitent à quelques bêtes d’élevage perdues. En d’autres lieux, on observe que le virus Ebola, porté initialement par des chauves-souris, est plus fréquent dans les zones d’Afrique équatoriale qui ont subi des déforestations récentes. En rasant les forêts habitées par les chauves-souris, ces dernières sont poussées à se percher sur les arbres des jardins. Qu’un humain croque un fruit déjà mordu par l’animal ou qu’il se fasse mordre en le chassant et le virus pénètre dans l’organisme, avec les conséquences dramatiques que l’on connaît.

Restaurer les barrières biologiques

L’autre conséquence de la destruction des habitats est la disparition de nombreuses barrières biologiques. Un exemple concret : les moustiques seraient deux fois moins nombreux dans les zones boisées intactes que dans les zones déboisées (The Scientist, Deforestation Tied to Changes in Disease Dynamics, 29 janvier 2019). Ainsi, les barrières biologiques ont un rôle prépondérant pour prémunir l’homme des virus et des bactéries issus de la faune sauvage. C’est le rôle des pouvoirs publics que de restaurer les écosystèmes et cela correspond pleinement à l’objectif n°15 de l’Agenda 2030, « Vie terrestre ». En Suisse, le sous-objectif 15.1 vise à « réserver l’espace nécessaire au maintien durable de la biodiversité : au moins 17% des zones terrestres et d’eaux intérieures sont conservées d’ici à 2020 […] L’état des milieux naturels menacés est amélioré. » Le nouveau système MONET 2030 (voir ci-dessous) montre une évolution positive de cet indicateur.

Plusieurs articles du présent bulletin reviennent sur l’importance de la biodiversité, de la flore et de la faune sauvage. Tous illustrent des actions qui, à leur échelle, contribuent à la réalisation de l’Agenda 2030 et de ses 17 objectifs de développement durable. En cette période, que l’on espère exceptionnelle, la lutte contre le changement climatique et la protection de la faune et de la flore vont clairement de pair avec la prévention des risques sanitaires. De cet épisode compliqué, essayons de garder en tête le plus optimiste des scénarios: celui d’une prise de conscience qui dépasse les manifestations dans la rue et la vague verte qui en découla dans les urnes. C’est par notre comportement – il doit être irréprochable –, par notre manière d’appréhender le monde et par notre capacité à nous reconnecter à la nature – si bien faite – que nous parviendrons véritablement à endiguer les prochaines catastrophes. En ce sens, nous autres citoyens de pays occidentaux avons une responsabilité primordiale de solidarité et d’assistance envers les populations les plus faibles, qu’elles soient chez nous ou sur les autres continents.

Agriculture durable, préservation des ressources, alimentation locale sont des termes qui sont entrés dans notre vie, mais largement pas encore assez appliqués. Que chacun d’entre nous, consommateur quotidien, ouvre et fasse grandir un «compte épargne nature» qui irriguerait nos pensées et nos actes d’actions bienveillantes envers la faune, la flore et notre prochain.


Bruce Rennes, chargé de projets ● FICD